"Un texte fondateur ou refondateur", un "projet de grande ampleur", un projet à "grande vitesse"... le ministre du Travail, Michel Sapin, n'a pas tari d'éloge sur son projet de loi relatif à la formation professionnelle, l'emploi et la démocratie sociale, qu'il présentait à la presse le 22 janvier 2014, juste avant son passage en Conseil des ministres.
Ce projet de loi, qui transpose notamment l'Accord national interprofessionnel conclu le 14 décembre 2013, se fixe pour objectif d'orienter davantage les fonds de la formation professionnelle vers ceux qui en ont le plus besoin, les salariés les moins qualifiés et les demandeurs d'emploi. Les montants qui seront consacrés aux demandeurs d'emploi vont ainsi passer de 600 à 900 millions d'euros, dont 300 millions d'euros issus de l'optimisation des moyens financiers du fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels (FPSPP).
Le projet de loi finalise la décentralisation amorcée depuis plusieurs décennies. "Les régions avaient un affichage de responsabilités mais un certain nombre de dispositions leur échappait", a détaillé le ministre. Reprenant les dispositions initialement prévues pour être intégrées dans les projets de loi sur la décentralisation, le texte prévoit en effet de nouvelles compétences pour les régions : la formation des publics spécifiques (détenus, Français de l'étranger, demandeurs d'emploi handicapés, accompagnement des décrocheurs scolaires), les formations relatives au socle de connaissances et compétences pour les personnes à la recherche d'un emploi, le financement de la rémunération de l'ensemble des demandeurs d'emploi non indemnisés stagiaires de la formation professionnelle et l'accompagnement des candidats à la validation des acquis de l'expérience.
Les régions seront aussi chargées de la coordination de l'achat des formations collectives pour les demandeurs d'emploi. Avec ce dispositif, Pôle emploi ne pourra procéder à l'achat de formations collectives que dans un cadre conventionnel avec la région.
La question de la péréquation entre les régions
Enfin, les régions seront responsables de la création de l'ensemble des centres de formation d'apprentis (CFA) et de l'élaboration et du pilotage des contrats de développement de l'apprentissage. Elles auront aussi la possibilité d'influer sur la répartition des fonds libres de la taxe d'apprentissage, selon des modalités que le gouvernement doit encore préciser, pour répondre aux demandes du Conseil constitutionnel. Ces compétences vont s'exercer dans le cadre d'un service public régional de la formation professionnelle. Et les régions vont aussi mettre en œuvre le service public régional de l'orientation. Elles devront organiser la cohérence des différents services dans ce domaine, pour l'orientation des scolaires, des étudiants, des demandeurs d'emploi, des salariés, etc.
Des nouvelles compétences qui posent des questions, d'après Stéphane Lardy, secrétaire confédéral de la CGT-FO, en charge de l'emploi et de la formation professionnelle. "Je ne dis pas que par nature le fait de régionaliser des dispositifs renforce les inégalités, pour autant il faut quand même être prudent, entre les régions qui ont une surface financière et une volonté politique pour aller vers certaines personnes et certains dispositifs, et d'autres qui n'auront pas la capacité de le faire, a-t-il signalé durant une table-ronde organisée sur le projet de loi le 22 janvier par la commission des Affaires sociales du Sénat. Donc cela pose le problème de péréquation entre les régions."
Par ailleurs, le gouvernement souhaite voir perdurer l'organisation mise en place pour le plan de formations prioritaires. Pour atteindre les objectifs du plan (30.000 formations en 2013, 100.000 supplémentaires en 2014), des réunions entre l'Etat, les partenaires sociaux et les régions ont été organisées régulièrement. Selon Michel Sapin, ce plan "a permis de tester en situation le dispositif que nous voulons voir mis en œuvre de manière pérenne". Pour ce faire, le projet de loi réorganise les organismes de coordination avec la fusion du Conseil national de l'emploi (CNE) et du Conseil national de la formation tout au long de la vie (CNFPTLV) au niveau national, et supprime au niveau régional le conseil régional de l'emploi. C'est le nouveau Comité régional de l'emploi, de la formation, et de l'orientation professionnelles qui sera l'instance de gouvernance au niveau régional. Un bureau quadripartite rassemblant l'Etat, les partenaires sociaux et la région, soit les principaux financeurs de la formation professionnelle et de l'apprentissage, viendra compléter ce dispositif.
Un CDI apprentissage
Au-delà de la gouvernance, le texte instaure le compte personnel de formation (CPF), un "instrument décisif", d'après le ministre du Travail. Ce compte, qui sera attaché à la personne et non plus au contrat de travail, permettra d'accumuler jusqu'à 150 heures de formation par an sur neuf ans, contre 120 heures actuellement pour l'actuel droit individuel à la formation (DIF). Il bénéficiera d'un financement dédié de plus d'un milliard d'euros, contre 180 millions d'euros pour le DIF. Et ce compte pourra être abondé. "Les 150 heures du CPF sont un plancher là où auparavant les 120 heures du DIF étaient un plafond, a détaillé Michel Sapin. Sur ce plancher, les régions, Pôle emploi et les entreprises pourront rajouter des heures pour permettre de répondre au mieux aux différentes situations."
Le texte propose aussi de nouvelles mesures pour l'apprentissage, avec une rationalisation du réseau des organismes collecteurs de la taxe d'apprentissage (Octa) au niveau national et régional. Leur nombre sera considérablement réduit : de près de 150 à une vingtaine au niveau national et un par région. Il crée aussi un contrat à durée indéterminée (CDI) apprentissage. Il sera ainsi possible de conclure un contrat d'apprentissage dans le cadre d'un CDI qui comprendra une "période d'apprentissage." Objectif : fidéliser le jeune, et le sécuriser (pour sa recherche de logement, de prêt…).
Le projet de loi assouplit également les dispositions du contrat de génération dans le cas des successions ou transmissions d'entreprises, avec le passage de l'âge du jeune de 26 à 30 ans.
Enfin, le projet de loi instaure une contribution unique pour les entreprises dans le domaine de la formation, allant de 0,55% de la masse salariale pour les entreprises de moins de dix salariés, à 1% pour celles au-delà de cinquante salariés. Il fait également le ménage concernant le financement et la transparence de la démocratie sociale. Un fonds sera ainsi créé pour le financement des missions d'intérêt général accomplies par les partenaires sociaux, permettant de dissocier le financement du paritarisme et le financement de la formation.
Le texte va être examiné par l'Assemblée nationale en procédure d'urgence à partir du 5 février. Il sera ensuite débattu par le Sénat à partir du 18 février. Le ministre souhaite qu'il soit voté avant la fin du mois de février, avant la pause parlementaire imposée par les élections municipales du mois de mars.
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